Les années Slow Club
En 1957, un nouveau club de jazz parisien annonce sa prochaine ouverture.

Un évènement !

Aujourd'hui, le mot peut faire sourire. Que ce soit à Paris ou ailleurs, chaque jour voit naître de nouveaux établissements à grands renforts d'annonces tapageuses, établissements qui disparaissent quelques mois plus tard dans l'indifférence générale, désertés par ceux-là même qui les déclaraient incontournables au moment de leur ouverture.
Mais à l'époque de la création du Slow Club, le contexte est tout autre. La naissance d'un nouveau club ne laisse indifférents ni les amateurs de jazz qui sont légion, ni les danseurs toujours à la recherche d'un nouveau décor et d'une nouvelle ambiance, et encore moins les musiciens ravis de l'aubaine qui se bousculent au portillon pour s'y faire engager.
Il ne faut pas perdre de vue qu'à l'époque, danser sur de la "musique en conserve" est considéré comme un pis-aller tout juste défendable dans le cas de soirées privées entre jeunes, les fameuses surprises parties. Le concept de la discothèque n'est pas encore d'actualité et aucun bal, aucune fête, aucune soirée dansante et a fortiori aucun club ne peut se concevoir sans musique "vivante".
Parce qu'il peut satisfaire immédiatement le moindre souhait du public, parce qu'il sait s'adapter instantanément à la plus infime fluctuation de l'ambiance, parce qu'il a l'expérience et la souplesse qu'aucune musique enregistrée n'aura jamais, un bon orchestre en chair et en rythme est à juste titre considéré comme seul capable de coller à l'atmosphère d'une soirée et d'en assurer le succès.
En 1957, ce point de vue ne se discute même pas.
La direction du Slow Club est si persuadée de l'importance d'engager un bon orchestre qu'elle décide de ne courir aucun risque. Aussi organise-t-elle une série d'auditions qui ne dureront pas moins de trois mois.
Du jamais vu !

Très vite, la sélection se resserre autour de sept formations et la lutte devient de plus en plus serrée.

Le verdict tombe enfin : c'est le tout jeune orchestre de Marc Laferrière qui sera titulaire du Slow Club.
Est-ce parce qu'elle est la meilleure formation des sept finalistes ? Pas du tout ! Mais la direction du club a tranché en faveur de l'orchestre qui a la meilleure présentation, dont les musiciens sont sérieux et sobres, se tiennent bien et arrivent à l'heure.
Marc Laferrière n'oubliera jamais la leçon. Tout au long de sa carrière, il s'efforcera de faire jouer à ses musiciens la meilleure musique possible, mais en même temps il exigera d'eux cette tenue, cette politesse, cette ponctualité et ce respect du public qui sera toujours la marque de fabrique de ses formations successives.
Le Slow Club ouvre ses portes en octobre 57 et dès l'année suivante, la firme Pacific enregistre l'orchestre au club même (voir discographie).
Grâce à une bonne campagne promotionnelle ciblée sur les parisiens comme sur les touristes (publicité dans les avions) appuyée par d'habiles conditions d'admission, le succès de l'établissement est immédiat et ne cesse de se confirmer au fil des mois et des années.
Au moment où ces lignes sont rédigées, une éventuelle fermeture du Slow Club n'est toujours pas à l'ordre du jour et sa célèbre enseigne clignotante continue d'illuminer la rue de Rivoli à hauteur des grands magasins de la Samaritaine.
Les choses se passeront si bien pour Marc Laferrière que son idylle avec le Slow Club va durer quinze ans et trois jours. Un record !
Durant ces quinze années, il joue chaque soir que Dieu fait, appuyé par Claude Luter qui vient lui prêter main forte trois fois par semaine et dont le prestige rehausse encore la réputation de l'établissement. Sans parler des vedettes du jazz comme Barney Bigard, Benny Waters, Rex Stewart, Bill Coleman, Cat Anderson et combien d'autres, qui ne manquent jamais à chacun de leur passage à Paris de venir faire "le boeuf" au Slow Club.
Boeuf au Slow Club avec Benny Waters (de dos)
Malgré tout, en 1972, Marc et ses musiciens éprouvent le besoin de passer à l'étape supérieure, d'autant que la réputation de l'orchestre a grandi et que les propositions alléchantes se multiplient, propositions que Marc Laferrière ne peut accepter tant qu'un engagement le lie au célèbre club de la rive droite.

Il décide donc d'arrêter et c'est le grand Michel Attenoux qui va hériter de la mission délicate de lui succéder en 1973.

Marc Laferrière et Michel Attenoux (à l'alto)
Après son départ du Slow Club, la carrière de Marc Laferrière prendra un tournant décisif qui verra sa popularité - jusque là essentiellement parisienne - s'étendre à toute la France et bien vite aux pays voisins
(
voir le chapitre suivant).
Mais le fait de n'être plus le chef d'orchestre titulaire du Slow Club n'empèchera pas Marc Laferrière de revenir y faire de fréquents séjours avec ses orchestres successifs.
Dans une pose "très jazz" pour rire, une belle brochette de clarinettistes autour de Marc Laferrière sur l'estrade du Slow Club. Degauche à droite : Michel Mardignan, Marc Laferrière, Nicolas Caroff, Marcel Zanini, Jacky Caroff et Wany Hinder. Derrière : François Biensan à la batterie, Philippe Plétan au sousaphone et Pierre Lacombe à la guitare. Il ne manque que le tromboniste Rémy Laven qui prend la photo (1979)
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